Edito

APRES LE FRACAS DU LIBERATION DAY SUR LES MARCHES, UNE REPRISE HISTORIQUE

Les annonces fracassantes du président américain Donald Trump à l’occasion du « Jour de la Libération », imposant des hausses tarifaires unilatérales allant jusqu’à 145 % sur certains produits chinois, ont semé une forte volatilité de Wall Street à Tokyo début avril.

La perspective d’une guerre commerciale généralisée a provoqué une chute violente des marchés. L’annonce d’une trêve de 90 jours, poussée par des tensions sur la dette américaine, a été annoncée en fin de mois avec plusieurs partenaires (à l’exception notable de la Chine). Le soulagement a initié un rebond technique puissant des indices et une forte baisse du stress des investisseurs.

Les États-Unis marqués par un ralentissement conjoncturel

Malgré une accalmie progressive, cela n’a pas suffi à effacer toute la baisse aux États-Unis, aggravée par la double peine des valeurs technologiques et du recul du dollar. L’onde de choc des tarifs amplifie les craintes d’un retour de l’inflation, via des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des hausses de prix. L’économie ralentit : le PIB se contracte au premier trimestre 2025, une première depuis 2022, sous l’effet d’achats anticipés visant à éviter les nouvelles taxes, gonflant le déficit commercial. Ce recul reste conjoncturel, les données « dures » demeurant solides : investissements privés en hausse, demande intérieure stable, marché du travail toujours dynamique. Néanmoins, une décorrélation émerge : les indicateurs de sentiment s’effondrent, l’activité industrielle ralentit, et la confiance des ménages recule. La trêve tarifaire, alliée à un rapport sur l’emploi robuste et de solides résultats d’entreprises, a permis un rebond des actions et une accalmie générale. Sur les emprunts d’État, après un pic à 4,6 %, le rendement à 10 ans est revenu à 4,2 % grâce à une adjudication bien reçue. La Fed maintient son cap : trois baisses de taux attendues d’ici fin 2025, à commencer dès juillet, dans un scénario de ralentissement prolongé.

Une Europe qui manque encore de reprise

En parallèle, sur le Vieux Continent, les tarifs ont frappé les exportateurs, mais la robustesse macroéconomique et le plan de relance allemand ont amorti le choc. Une croissance modeste au premier trimestre, portée par l’Espagne et l’Italie (tourisme et demande intérieure), a compensé la crise industrielle en Allemagne et en France, aggravée par une demande mondiale atone. Après une période de volatilité accrue, les marchés actions européens ont été soutenus en fin de mois par un regain d’optimisme lié à la perspective de nouvelles discussions commerciales entre les États-Unis et la Chine, ainsi que par la baisse des taux directeurs de la BCE à 2,25 %.

Japon : des tarifs qui pèsent sur une économie fragile

Dans l’archipel nippon, le choc tarifaire a accentué les fragilités d’une économie déjà sous pression, accentuant la contraction des exportations et de la production industrielle, tandis que l’inflation importée érode le pouvoir d’achat. Les actions, soutenues par des flux étrangers et des valorisations attractives, ont tenu bon, le secteur des services offrant un répit. La faible croissance des salaires réels freine la reprise, et la Banque du Japon, à 0,50 %, reste prudente. La trêve tarifaire a déclenché un léger rebond des actions. Les obligations d’État (JGB) ont sous-performé, les rendements à 10 ans tombant à 1,26 %, la BoJ abaissant ses prévisions de croissance. Un yen fort (144,7 JPY/USD) pèse sur les exportateurs, incitant à la prudence pour la dette japonaise.


Marchés émergents : une résilience à l’épreuve

Dans les marchés émergents, les tarifs ont également secoué les économies, mais une résilience a prévalu. En Chine, les barrières commerciales ont fragilisé le manufacturier, mais des stimulus budgétaires et monétaires, alliés à l’espoir d’un dialogue avec les États-Unis, ont permis aux actions de retrouver le chemin de la hausse. En Inde, la croissance, portée par la consommation et les infrastructures, reste robuste alors que l’inflation impose une politique monétaire prudente. En Amérique latine, le Mexique et le Brésil, bénéficiant d’une exemption temporaire via l’USMCA, ont vu leurs actions rebondir.

L’œil de Montségur Finance

En définitive, la question centrale demeure. S’agit-il d’une crise boursière temporaire auquel cas ce rebond pourrait se poursuivre et les indices retrouver leurs sommets ou d’une crise plus profonde, financière et économique, auquel cas une période plus prolongée de consolidation pourrait s’installer. Nous n’avons pas eu d’annonce inquiétante et les marchés financiers ont correctement fonctionné, notamment les marchés interbancaires. La rapidité du mouvement et l’appétit confirmé des épargnants pour les actions américaines et européennes augmentent sérieusement la probabilité du premier scenario.